Guy V. (60) « Une supérette qui me cause bien des tracas »
Question - J'ai décidé de vendre mon fonds de commerce et entre la promesse de vente et la vente de mon fonds, une concession automobile qui était située à proximité a été vendue et un panneau de permis de construire un Carrefour City a été planté. Après la réalisation des travaux, 4 mois plus tard, le magasin Carrefour City a ouvert. L'acquéreur du fonds de commerce a mis en doute ma bonne foi en soutenant que j'avais dissimulé cette implantation. Il s'apprête manifestement à engager un recours. Je vous remercie de me renseigner.
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La réponse de Me Verdier :
Ne disposant pas de tous les paramètres de votre dossier, ni des actes qui ont été signés (promesse et acte de vente), il est difficile de vous donner une réponse précise. Voici cependant deux possibilités.
? L'acte contient une clause :
- La promesse de vente (ou l'acte de vente) comporte une déclaration de votre part relative à l'environnement commercial et concurrentiel, aux termes de laquelle, en substance, vous indiquez : « qu'à votre connaissance il n'existe pas de commerce similaire dans un rayon de xx mètres susceptible de concurrencer le fonds de commerce que vous vendez. » Si une telle clause existe, il appartient à votre acquéreur de démontrer que vous avez violé cet engagement contractuel. Cette preuve se rapporte par des attestations, des témoignages ou tout document de nature à justifier que vous saviez ou que vous ne pouviez pas ignorer cette information. C'est donc à lui d'en rapporter la preuve et non pas à vous de démontrer que vous étiez dans l'ignorance.
En second lieu, votre acquéreur va devoir démontrer que la création d'une supérette entre dans le périmètre de la clause que vous avez signée ; tout dépend donc de sa rédaction. S'il est évoqué, comme vous l'indiquez, un commerce « similaire », l'acquéreur va devoir démontrer qu'une supérette est un commerce similaire à une boulangerie-pâtisserie, ce qui en l'état actuel de la jurisprudence est loin d'être gagné. Si, en effet, un terminal de cuisson peut être considéré comme une activité concurrentielle ou similaire à celle d'une boulangerie-pâtisserie artisanale, en revanche, une supérette, à mon sens, ne peut pas être considérée comme un commerce similaire dès lors qu'elle n'est qu'un dépôt de pains.
En troisième lieu, votre acquéreur va devoir démontrer au Tribunal quelle est l'incidence pour lui de la création de ce commerce et par voie de conséquence le préjudice subi, ce qui s'avère extrêmement difficile. La création de cette supérette peut en effet attirer une clientèle qui n'hésitera pas à traverser la rue pour se rendre à la boulangerie. Il n'y a donc pas de certitude quant à un préjudice subi et une réelle difficulté à quantifier ce dernier.
? L'acte ne contient pas de clause :
La seule façon pour votre acquéreur d'essayer d'obtenir satisfaction est de démontrer que la cession de votre fonds de commerce est affectée d'un vice caché. En l'espèce, la dissimulation d'une information essentielle, laquelle aurait influencé le choix de l'acquéreur (pas d'achat ou achat à moindre coût). Les tribunaux considèrent que l'acquéreur, surtout lorsqu'il est un professionnel, doit lui-même s'informer et procéder à des vérifications minimum. S'il peut vous reprocher de lui avoir dissimulé une information, force est de constater qu'il est aussi capable d'aller chercher cette information. Lorsque l'on acquiert un fonds de commerce, on doit bien entendu se renseigner sur le bon fonctionnement des machines, la conformité, les modalités de réalisation du chiffre d'affaires, les contrats de travail éventuels, etc. mais également sur l'environnement commercial. S'il peut être considéré que l'acheteur avait accès de la même façon que vous à des éléments d'information concernant la construction de cette supérette, il ne peut être considéré que le vice était caché.
Dans ces conditions, l'acquéreur en présence d'un vice apparent n'a pas de recours contre son vendeur. S'il parvient néanmoins à prouver qu'il ne pouvait en avoir connaissance, il devra, comme dans l'hypothèse de la clause contractuelle, démontrer que ce vice présente une gravité suffisante afin d'obtenir l'annulation de la vente ou la réduction du prix de cession. En conclusion : Il appartient à l'acquéreur qui se prévaut d'un manquement contractuel de son vendeur d'apporter la démonstration de ce manquement. Si ce manquement n'est pas prévu par une clause du contrat, il appartient à l'acquéreur de démontrer qu'il ne pouvait pas, antérieurement à la cession, avoir connaissance du vice (en l'espèce la création d'une supérette à proximité du fonds de commerce). Il devra ensuite démontrer que cette création était antérieure à la cession et qu'elle est suffi samment grave pour justifier une demande d'annulation de vente ou une réduction de prix.
Le conseil : Que vous soyez vendeur ou acquéreur, assisté ou non d'un marchand de fonds, vous devez toujours :
• Pour le vendeur : Donner toutes les informations dont vous avez connaissance à votre acquéreur, avant qu'il ne s'engage. Elles doivent être clairement mentionnées dans le compromis de vente ou la promesse de vente et dans l'acte de vente lui-même. De ce fait, votre acquéreur acquerra en toute connaissance de cause.
• Pour l'acquéreur : En tant que professionnel de la boulangerie-pâtisserie, et futur propriétaire et exploitant d'un fonds de commerce, vous avez l'obligation d'aller au-delà de la simple analyse des informations qui vous sont communiquées. Vous avez l'obligation de vous renseigner (même si vous êtes assisté et accompagné pendant la démarche d'acquisition), de poser des questions et de vous déplacer. Vous devez bien sûr vous informer sur l'environnement commercial, sans attendre les renseignements du vendeur. Vous pouvez vous renseigner en mairie et éventuellement auprès de certains commerçants voisins. Cela vous permettra également d'acquérir votre future exploitation avec votre propre opinion.
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